Chapitre 9
Le dernier trajet

Vers 8 heures du matin, l’Autobahn était dégelée et le vent était encore faible. Rudi commença à faire chauffer sa Mercedes. Vers 9 heures, il fit une première tentative pour briser le record. Le vent soufflait moyennement sur la plaine de Morfelden et les ouvertures sous les viaducs (Ka-boum ! Ka-boum !) semblaient plus petites que jamais. Rudi établit un record de 437 kilomètres à l’heure, et se le tint d’emblée pour dit, du moins pour la journée. Le vent s’était levé et l’Autobahn était encore gelée sous les viaducs. Il rentra à l’hôtel. Pendant qu’il déjeunait avec Manfred, ils reçurent un coup de téléphone de Neubauer : Bernd allait à son tour tenter d’établir un record.
Lorsque Rudi et Manfred arrivèrent à la ligne de départ, les cimes des arbres s’agitaient de façon menaçante.
L’Auto Union de Bernd avait été dotée au dernier moment d’éléments aérodynamiques qui devaient créer une dépression sous la voiture et ainsi la faire mieux coller à la route. Du moins, ainsi le voulait la théorie. La construction n’avait jamais été testée. Qui plus est, elle offrait une surface latérale gigantesque contre laquelle le vent pouvait souffler.
De la biographie de Rudi :
« Rosemeyer est déjà dans la voiture lorsque nous arrivons. Il est entouré de gens, parmi lesquels je me fraye un chemin pour lui serrer la main.
« Mes félicitations, Rudi », dit-il en souriant. Ses dents blanches scintillent.
« Merci », lui dis-je. Je veux dire plus, beaucoup plus. Il n’y a pas de rivalité entre nous. Rosemeyer est mon ami. Il doit affronter les mêmes dangers que moi.
Je le vois s’apprêter au départ et j’ai peur. Je veux lui dire qu’il y a trop de vent et qu’il ferait mieux d’attendre demain.
Il me sourit encore, de son sourire à la fois démoniaque et puéril. Puis sa voiture démarre en flèche. »
 
Ce jour-là vit Bernd accomplir son dernier trajet.
 
 
Il reçut des funérailles nationales avec tous les honneurs, comme il se doit pour un héros tombé pour la patrie.
Lorsque le Korpsführer Huhnlein, la tête du NSKK, se leva pour s’adresser à l’assistance, Elly lui cloua le bec de quelques remarques venimeuses. Elle avait annoncé qu’elle résisterait à toutes les tentatives des nazis d’utiliser le défunt : il ne leur servirait pas de marchepied.

 

 

 

 
 

 Le dessin "clin d'oeil" d'Ever Meulen !

Dossier spécial :
"Les Grands Prix de Formule 1 des années 30"

 

         - Chapitre 1 :
La miraculeuse multiplication des tanks
 

         - Chapitre 2 :
 Le programme automobile du national socialisme

        - Chapitre 3 : 
 L'agenda secret

        - Chapitre 4 : Grand Prix

        - Chapitre 5 :
La Révolte du Long Baiser
 

        - Chapitre 6 :  
Les coureurs

        - Chapitre 7 :
En route pour nulle part

        - Chapitre 8 :  
L'effet Sippenhaft

        - Chapitre 9 :
Le dernier trajet

        - Epilogue
 

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