Chapitre 4
Grand Prix

« Grand Prix » retrace en trois albums (« Renaissance », « Rosemeyer ! » et « Adieu ») l’histoire de ce microcosme au cours des dernières années précédant la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit d’un récit mêlant action, romantisme, danger, voyages exotiques, adultère, humour, boisson, drogue et mélancolie, dans une époque d’espoir, de privation, d’attente, d’insouciance et de menace croissante. Un temps où les gens vivaient simplement au jour le jour, dans l’espoir qu’il y aurait un lendemain.

Comment pouvaient-ils, comment pouvons-nous, savoir ce que demain nous réserve ?

Au début, aucun nuage ne déparait le ciel. Avec le soutien financier du régime nazi, l’institut national Mercedes ainsi que la toute jeune Auto Union – un conglomérat d’Audi et de trois marques depuis disparues, DKW, Horch et Wanderer (d’où l’emblème à quatre anneaux) – conçurent des bolides révolutionnaires, d’une rapidité meurtrière.

L’idée de les confier à l’élite de la jeunesse de la nation fut rapidement abandonnée. Les monstres ne pouvaient être domptés que par de véritables coureurs, une tout autre race dans les années trente que celle d’aujourd’hui.
Les concessions que faisait le monde de la course au régime au pouvoir n’étaient que minimes, dans les premières années. Les coureurs automobiles allemands faisaient le salut hitlérien en montant sur le podium, mais tout le monde le faisait, même les bambins le faisaient en entrant dans la classe le matin. Le salut hitlérien ou la croix gammée n’avaient pas encore la résonance et les connotations qu’ils ont maintenant.
En fait, la politique laissa en paix le monde de la course, à ses débuts. Les coureurs, au caractère obstiné, avaient toute la latitude désirée pour faire leur boulot. Hitler se chargeait des moyens ; les fabriques, les ingénieurs et les coureurs en faisaient avidement usage. Ils savaient qu’ils tiraient la charrue du national-socialisme mais, une fois de plus, les nazis n’étaient pas encore le symbole du mal qu’ils deviendraient plus tard.
Le monde de la course se doutait bien que le régime présenterait l’addition un jour, que cet échange devait signifier plus que la simple démonstration de la supériorité de l’Allemagne et le support de l’honneur national. Mais qui vivra verra, et dans le cas des coureurs, le dicton était à prendre au propre comme au figuré.

Pour le dire dans les termes historiques du coureur Manfred von Brauchitsch : « Quand on veut peindre la chapelle Sixtine, il faut prendre le pape en prime ».

En fait, le grand problème auquel Alfred Neubauer, « don Alfredo », le chef d’équipe de Mercedes, avait à faire face au début de la saison 1934, c’était que ses voitures pesaient un peu trop pour satisfaire aux règlements. La peinture blanche – le blanc étant la couleur nationale de l’Allemagne – fut soigneusement grattée des carrosseries (en métal) pour gagner quelques kilos de poids : les « Flèches d’argent » étaient nées.

Mais peu à peu le régime commença à se mêler de tout et à donner des ordres. Hitler donnait le grade de SS-Hauptsturmführer (capitaine) à tous les coureurs, une tentative évidente de leur inculquer quelque discipline militaire. Cette décision n’enthousiasmait pas également tous les coureurs. Bernd Rosemeyer par exemple, l’Aryen idéal avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, refusera toujours de porter l’uniforme, même quand Goebbels, le ministre de la propagande, le lui demandera en personne.
Les courses furent soumises à un strict code d’habillement. Il était inacceptable que de fiers Aryens déambulent autour des stands en salopette, comme der Schnurrbiber, l’expert en pneus de Continental, le faisait les jours de canicule.
L’alcool et la musique de jazz furent interdits dans les stands, ainsi que les siestes, car tout cela était dégénéré et indiscipliné.

Et les éternels flirts avec les filles voluptueuses n’étaient pas non plus un bon exemple pour la saine jeunesse aryenne. Dorénavant, plus de femmes dans les stands ! Même les épouses étaient frappées d’interdit.

Tout cela mena les coureurs à la franche révolte, bien qu’elle se traduisît par ce que l’on appellerait de nos jours « des actions ludiques ».


Croquis de Marvano

 
 
 

 Le dessin "clin d'oeil" d'Ever Meulen !

Dossier spécial :
"Les Grands Prix de Formule 1 des années 30"

 

         - Chapitre 1 :
La miraculeuse multiplication des tanks
 

         - Chapitre 2 :
 Le programme automobile du national socialisme

        - Chapitre 3 : 
 L'agenda secret

        - Chapitre 4 : Grand Prix

        - Chapitre 5 :
La Révolte du Long Baiser
 

        - Chapitre 6 :  
Les coureurs

        - Chapitre 7 :
En route pour nulle part

        - Chapitre 8 :  
L'effet Sippenhaft

        - Chapitre 9 :
Le dernier trajet

        - Epilogue
 

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