Chapitre 2 
Le programme automobile du national-socialisme


Dans l’entre-deux-guerres, les courses automobiles étaient un sport extrêmement populaire en Europe. L’exploration des limites de l’automobile, ce moyen de transport nouveau et exotique, excitait l’imagination. Les courses, spectaculaires et mortelles, attiraient des dizaines, voire des centaines de milliers de spectateurs.
Grands Prix, compétitions d’endurance, courses de côte, etc. faisaient la une des journaux. Le nouveau moyen de communication électronique de masse, la radio, y consacrait chaque week-end de nombreuses heures de transmission en direct. Des coureurs comme Rudi Caracciola, Louis Chiron et Tazio Nuvolari étaient des superstars. À cette époque, les courses automobiles étaient omniprésentes. On ne pouvait y échapper, l’eût-on voulu, du moins. Un peu comme le foot aujourd’hui.

Hitler, lui-même fan de courses malgré le fait qu’il fût incapable de conduire une voiture, avait l’eau à la bouche à la pensée des possibilités que lui offraient ces rassemblements spontanés de masses. Ces équivalents modernes des jeux de cirque romains étaient l’occasion rêvée pour balancer son Nouvel Ordre aux masses.

Au Salon de l’Auto de Berlin en 1933, Hitler tint l’un des discours les plus étranges de sa carrière passée et à venir.

Étrange, car au lieu de l’habituel message saturé de pompiérisme et de mégalomanie, il sembla prononcer un simple message d’espoir.
L’allocution fut transmise en direct à la radio. L’Allemagne tout entière, à l’écoute, retint son souffle.
Dans son introduction, Hitler déclara que toutes les grandes civilisations de l’Histoire, des Romains aux Incas, ont été jugées sur la base des réseaux routiers qu’elles avaient légués. Il promit de pourvoir l’Allemagne d’Autobahnen, un système routier révolutionnaire où, grâce à des inventions telles que les bretelles d’entrée et de sortie et l’usage de ponts et de tunnels, on pouvait indéfiniment poursuivre sa route sans s’arrêter.

Mais les Autobahnen, évidemment, n’auraient de sens que s’il y avait des autos. Hitler eut presque des accents lyriques pour décrire un futur tout proche où les jeunes familles allemandes parcourraient la campagne le nez au vent dans leur Volkswagen, sans le stress des transports publics !
La Volkswagen, qui n’était pas encore une marque mais une simple description de ce que la chose devait être – une auto pour le peuple – cadrerait avec les moyens financiers de tout bon Allemand. Celui-ci pourrait transporter une famille de quatre, avec bagages, à la vitesse constante de cent kilomètres à l’heure, au besoin toute une journée.

Hitler était maintenant bien lancé. Des dizaines, non, des centaines de milliers de Volkswagen créeraient à leur tour un besoin en stations-service en tous genres. La jeunesse allemande se familiariserait avec les nouvelles technologies. Le NSKK, Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps, Corps de sport motorisé national-socialiste, serait fondé. (Hitler avait le chic pour inventer des noms tapageurs.)
Le NSKK habituerait la jeunesse allemande aux autos et aux motos, et organiserait des compétitions dans lesquelles ses membres se mesureraient les uns aux autres sur les circuits. À l’exemple des Hitlerjugend, les Jeunesses hitlériennes, dont les nouveaux membres recevaient un poignard, les membres du NSKK auraient droit à un casque.
Le NSKK, ainsi que le promit Hitler, donnerait à chacun de ses membres une vraie chance de devenir champion de Grand Prix.
Et ceux à qui cela ne réussirait pas seraient au moins capables de changer les bougies d’un tank.

Finalement un communiqué annonça que le « Reich de mille ans » engagerait « sa première conquête » (sic) : Das Vaterland, la Patrie, allait s’approprier le Grand Prix.
Dans le trouble et le chaos consécutifs à la Première Guerre mondiale, et au cours de la dépression qui s’ensuivit, l’Allemagne avait quasiment perdu toute influence sur les compétitions internationales. Les Français avec Ettore Bugatti, les Italiens avec les frères Maserati, et l’écurie Alfa Romeo menée par Enzo Ferrari donnaient le ton.
Voilà qui était prêt de changer, prédisait Hitler. Les constructeurs allemands relèveraient le défi. Le génie allemand (financé par les contribuables allemands…) construirait des voitures de course qui couperaient le souffle au monde.
Et des jeunes et purs Aryens conduiraient ces merveilles de la technique à la victoire !
 

Croquis de Marvano - Rudi et son chien Moritz / Bernd et Ferdinand Porsche 
 
 
 

 Le dessin "clin d'oeil" d'Ever Meulen !

Dossier spécial :
"Les Grands Prix de Formule 1 des années 30"

 

         - Chapitre 1 :
La miraculeuse multiplication des tanks
 

         - Chapitre 2 :
 Le programme automobile du national socialisme

        - Chapitre 3 : 
 L'agenda secret

        - Chapitre 4 : Grand Prix

        - Chapitre 5 :
La Révolte du Long Baiser
 

        - Chapitre 6 :  
Les coureurs

        - Chapitre 7 :
En route pour nulle part

        - Chapitre 8 :  
L'effet Sippenhaft

        - Chapitre 9 :
Le dernier trajet

        - Epilogue
 

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